THOMAS

26 ans
Délogé 4 mois
Revenu dans son appartement

temps d'écoute : 3'50

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« Là où j’habitais dans ma grande coloc, on avait tout le troisième étage. On donnait sur un jardin, derrière lequel y avait les trois bâtiments qui se sont effondrés. Moi je suis parti travailler un matin vers 8h50 et à 9h10 c’est tombé. Quand je suis revenu le soir il y avait des barrages partout, on a dû m’accompagner jusqu’à ma porte.

On s’est réunis avec tous les habitants de l’immeuble au cinquième étage, de là on voyait cet énorme trou avec les deux spots de lumière blanche. On a décidé de se serrer les coudes, car tout le monde avait un balcon qui donnait sur cette cour intérieure. Et même si on ne connaissait pas tous nos voisins on les voyait faire leur vie, étendre leur lessive, manger, fumer une clope au soleil. Il a fallu plusieurs jours avant qu’on sache qui était vivant et qui ne l’était pas. C’était du bouche à oreille, dans la rue, ça n’était pas les infos venant de la mairie. Les pompiers étaient là 24/24h et cette grosse pelleteuse qui jour et nuit enlevait les gravats. Et si tu allais sur le balcon, tu la voyais, avec ses spots de lumière blanche. Tu te réveilles la nuit pour aller aux toilettes, tu sais que là-bas au bout, il y a trois immeubles par terre.

Quand tu vois les immeubles fissurés dans Marseille, de bas en haut, tu peux pas ignorer ce que ça veut dire. Et puis cette psychose, ne plus faire confiance à la mairie, ne pas savoir si tu vas te réveiller ou pas car peut-être que tu vas te prendre ton immeuble sur la gueule pendant la nuit et ne jamais te réveiller. Ça c’est devenu un truc très fort dans le quartier. »

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